Formée aux Arts Appliqués de Lyon en création textile, Dominique Mercadal a d’abord exercé dans le monde du motif et de la surface avant de trouver dans la céramique un langage plus profond, plus organique. Formée à la création d’émaux pendant trois ans auprès de Véronique Depondt, elle est en partie autodidacte dans son approche de la terre. Elle affi ne sa pratique au fil des années, guidée par l’observation et la répétition d’un geste.
Aujourd’hui installée à Paris, elle travaille principalement le grès, qu’elle façonne non pas à la manière du tournage, mais en partant de plaques de terre découpées, montées, poncées, poinçonnées — dans un processus lent et patient, presque méditatif.
Dans ses pièces, tout se joue à la surface, et pourtant tout semble venir de l’intérieur. Comme si la forme avait émergé lentement, par sédimentation, à la manière d’un corps, ou d’un paysage traversé par le temps. Le lien entre son travail et le corps humain n’est pas littéral, mais il est profondément sensible : la terre devient douce, membrane poreuse marquée par les outils, les stries, les plis, les bulles. Chaque pièce invite au toucher et au ressentir.
Le vocabulaire formel de Dominique Mercadal évoque des strates géologiques, des vagues, des nuages, des fl ux. Mais ce que l’on ressent surtout, c’est un mouvement interne. L’émail, posé en fines couches, agit comme un voile, révélant les tensions sous-jacentes. Ses pièces respirent, au sens le plus littéral : elles ont un rythme, un grain, une densité qui appelle le regard tactile.
« Je pars d’une plaque de terre, et je la laisse évoluer… J’aime que l’oeil s’y perde, que la forme se dévoile peu à peu, comme une peau qui garde la trace du geste. »
Dans son travail de sculpture, elle intègre également des éléments inspirés du corps humain — oeil, courbure, silhouette.
En céramique, le feu fige ce que la main a initié. Chez Dominique Mercadal, ce passage est presque un rite : de la matière informe naît une présence, silencieuse mais vibrante, comme une tension retenue entre la main et la mémoire.
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“Le temps ne passe pas mais se superpose”, dit Dominique Mercadal dont les grès émaillés, strates accumulées qu’elle strie ou poinçonne, adoucissent tout. Elle les travaille par série et à la plaque, sorte de gabarit ou de patron de couture, sans doute en souvenir de ses premières créations textiles. Partout, des motifs graphiques saturent la surface qui ondule et prend des formes connues : nuage, arbre, vague… Les “faux-unis” de Dominique Mercadal trompent l'œil qui croit voir dans ces volumes “pixelisés” couleur de sable ou de suie, les jolies choses que la nature produit. Ainsi de ces moutons solitaires criblés de pois, qu’on croirait échappés d’une toile de Seurat, ou de ces montagnes, rondes-bosses creusées de sillons comme le Cairn de Gavrinis, synthèses entre un champ labouré et un jardin zen. Le climat, a priori clément, est en crise, et la catastrophe approche : tsunami, tronc calciné, coulée de boue…. En rêve ou en vrai, Dominique Mercadal croise des paysages menacés. Ses grandes vasques sèches l’attestent : leur source s’est tarie et sur la pierre, ne reste plus de l’eau qui, jadis, jaillissait en cascade, que les rides. Pour chaque vide, il y a un plein dans ces pièces claires obscures, “montées” lentement, par hasard ou accident, tant leur matière est imprévisible. Mises à plat ou au mur, elles sont des terres de contrastes.
Virginie Huet