Du 13 juin au 22 septembre 2025, le Centre Pompidou donne carte blanche à l’artiste germano-britannique Wolfgang Tillmans pour une exposition monumentale et sensorielle, occupant les 6 000 m² de l’ancien espace de la Bibliothèque Publique d’Information (Bpi). Intitulée Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait, cette installation hors normes marque aussi un moment symbolique : c’est la dernière grande exposition avant la fermeture du bâtiment pour travaux pendant cinq ans.
Plutôt qu’une rétrospective classique, Tillmans propose une installation totale, pensée comme une œuvre en soi. Il investit l’espace dans toute sa dimension architecturale, en jouant avec la mémoire du lieu : moquettes, étagères, murs nus ou espaces abandonnés sont intégrés à la scénographie. L’exposition devient alors une sorte de palimpseste, où chaque strate raconte une époque, une utilisation, une trace.
Loin d’un accrochage figé, l’artiste transforme l’espace en un vaste paysage visuel et sonore. Photographies de grand format, petits tirages accrochés librement, photocopies, vidéos, enregistrements audio, performances… le spectateur est plongé dans un flux sensoriel. Chaque œuvre dialogue avec les autres, dans une chorégraphie fluide qui brouille les frontières entre le public et l’intime, l’image et le souvenir.
Tillmans y déploie plus de trois décennies de travail, dans toute leur diversité. On y retrouve ses portraits sensibles, ses natures mortes pleines de poésie, ses images abstraites, ses prises de vue documentaires et ses engagements politiques. Des œuvres phares comme Moon in Earthlight (2015) ou Panorama (2006 et 2024) côtoient des formats plus modestes : cartes postales, impressions en jet d’encre, affiches militantes.
L’artiste n’hésite pas à y glisser des éléments issus de la culture rave, queer ou activiste. Les vidéos et sons immersifs, comme I want to make a film (2018), complètent cette expérience multisensorielle, dans une exploration à la fois personnelle et collective de ce que signifie « voir » aujourd’hui.
Plus qu’une simple exposition d’art contemporain, cette carte blanche interroge la manière dont l’image – et plus largement l’information – circule et se transforme. En confrontant les technologies d’hier et d’aujourd’hui, de la photocopie granuleuse aux fichiers 4K, Tillmans pose la question de la confiance dans le regard, dans l’image, dans les médias.
Son œuvre, traversée par des thèmes comme la mémoire, la perception, la communauté ou l’engagement, trouve ici un écho tout particulier dans un lieu emblématique de la culture et du savoir. Le Centre Pompidou devient, pour quelques mois encore, le théâtre d’une méditation visuelle sur notre époque.