La Balade d'Amelie

Otobong Nkanga

À Paris, l’exposition « I dreamt of you in colours » d’Otobong Nkanga se déploie comme un récit silencieux, fait de matières, de lignes et de couleurs qui semblent porter une mémoire profonde.

 

Dès l’entrée, quelque chose invite à ralentir. Ici, on ne regarde pas seulement des œuvres : on traverse des paysages intérieurs.

 

Les salles accueillent des tapis monumentaux, des dessins délicats, des sculptures minérales, des installations où la terre, le tissu, le métal et le pigment dialoguent. Tout semble relié. Les formes s’étirent, se croisent, se transforment, comme des cartes sensibles reliant des territoires éloignés.

Nkanga ne sépare jamais le corps du sol, ni l’humain de la nature.

La couleur joue un rôle central. Elle n’est jamais décorative.

Elle évoque la terre, les minerais, les routes commerciales, les ressources extraites et déplacées. Des teintes profondes ocres, bleus, noirs, rouges traversent l’espace et racontent des histoires de circulation, de perte, de transformation.

Chaque œuvre agit comme une trace, un fragment d’un récit plus vaste.

On avance dans l’exposition comme dans un carnet de voyage élargi. Les dessins ressemblent à des schémas poétiques, presque scientifiques, où les lignes deviennent veines, racines, failles.

Les tapis, eux, absorbent le regard : leurs motifs semblent retenir le temps, garder en mémoire des gestes anciens, des savoirs transmis.

 

Puis vient cette sensation particulière : celle d’un monde fragile, mais résistant. Otobong Nkanga parle d’écologie, d’exploitation, de blessures invisibles, sans jamais imposer un discours frontal. Tout passe par la matière, par la lenteur, par l’attention portée aux détails. 

Le silence devient un espace de réflexion.

À mesure que l’on progresse, les œuvres résonnent entre elles. Une sculpture répond à un dessin, une couleur rappelle un sol, un motif devient une frontière. L’exposition ne se lit pas d’un seul coup : elle se ressent, par fragments, comme un rêve dont certaines images persistent plus longtemps que d’autres.

 

En sortant, la ville paraît différente. Le trottoir, la pierre, la poussière, les couleurs du quotidien prennent une autre densité. I dreamt of you in colours laisse une empreinte douce mais tenace : celle d’un regard élargi, attentif aux liens invisibles qui unissent les lieux, les matières et les êtres. Une balade lente, engagée, profondément humaine où rêver devient une manière de comprendre le monde.