La Balade d'Amelie

Sheila Hicks & Monique Lévi-Strauss au musée du quai Branly

Au musée du quai Branly, l’exposition dédiée à Sheila Hicks et Monique Lévi-Strauss s’ouvre comme un paysage de matières et de motifs où la couleur devient presque un langage.

Rien de spectaculaire au premier regard, et pourtant : quelque chose respire, s’étire, tire doucement le visiteur vers un autre rythme.

Les salles se déploient comme deux récits parallèles.

D’un côté, Sheila Hicks, la sculptrice du fil, qui transforme la laine, le lin, le coton ou la soie en volumes lumineux, en cascades souples, en cordes épaisses qui semblent pousser dans l’espace.

De l’autre, Monique Lévi-Strauss, chercheuse passionnée, dont la collection d’ikat, ces tissus teints et tissés d’une précision incroyable dévoile un monde de signes, de savoir-faire et de gestes millénaires.

Entre leurs œuvres, un dialogue se crée. La matière semble répondre au motif, le geste d’aujourd’hui converse avec celui d’hier.

Les textiles de Lévi-Strauss déploient leurs vibrations délicates, répétitions presque musicales de couleurs floues. Les pièces de Sheila Hicks, elles, débordent, s’enroulent, s’accumulent comme si la fibre avait décidé de prendre toute la place.

On avance dans les salles comme dans un atelier élargi. Ici, un mur d’ikat où les teintes se fondent les unes dans les autres ; là, un amas de fils noués, serrés, qui tient du paysage autant que de la sculpture.

On devine des gestes précis, une patience infinie, un lien intime avec la matière. Tout semble à la fois fragile et très solide.

Puis vient ce moment particulier, le ralentissement. L’œil s’approche d’un détail, d’un fil qui traverse un autre, d’une teinte qui dévie légèrement.

On comprend alors que cette exposition parle autant du textile que du temps. De tout ce que l’on hérite, de tout ce que l’on transforme. De la manière dont les mains transmettent ce que les mots ne disent pas.

Dans une salle plus calme, les motifs ikat deviennent presque des paysages intérieurs.

Et juste à côté, une œuvre de Hicks se dresse comme une colonne vibrante, un souffle coloré qui monte du sol au plafond. Deux mondes, deux pratiques, mais une même idée : regarder différemment.

En sortant, la lumière du quai Branly semble étrangement plus chaude, plus lumineuse. Les tissus, les fibres, les couleurs continuent de flotter un peu dans l’air.

On garde en soi ce souvenir doux : celui d’avoir traversé une exposition qui ne force rien, mais qui ouvre un espace inattendu entre l’art, l’artisanat et les histoires du monde.

Une balade tissée, simple et profonde où le regard, lui aussi, devient matière.